À Roubaix, les projets de rénovation urbaine suscitent de régulières contestations
Un collectif d’habitants de l’Alma s’oppose au programme de rénovation urbaine à Roubaix. D’autres mobilisations ont récemment eu lieu au Pile, à l’Épeule, aux Trois-Ponts et déjà à l’Alma.
Le collectif « Non à la démolition de l’Alma » se mobilise contre le projet en cours dans son quartier.
Un article de Charles-Olivier Bourgeot, publié le 14 octobre 2022
1 - Le collectif Non à la démolition de l’Alma
Créé cet été pour protester contre le programme de renouvellement urbain, le collectif Non à la démolition de l’Alma veut corriger ce projet. Car la rénovation risque de contraindre de nombreuses familles à quitter un quartier où 480 logements seront démolis, 390 réhabilités, nécessitant souvent un relogement, mais où seulement 90 logements neufs seront construits. Le compte n’y est donc pas pour ce collectif qui s’est fait entendre en conseil municipal de Roubaix, en pointant la concertation menée par la mairie.
De nombreuses réunions publiques ont bien eu lieu en 2018 et 2019 mais les membres du collectif estiment ne pas avoir été suffisamment concertés, rappelant que la toute dernière a eu lieu en visio-conférence excluant de fait des habitants concernés. Au regard du nombre de personnes présentes en mairie, la mobilisation en cours semble prendre de l’ampleur.
2 - La Table de quartier du Pile
Longue et mouvementée, cette mobilisation est parfois citée en exemple des luttes urbaines, même si elle n’a pas permis de revoir le programme de requalification des quartiers anciens dégradés (PMRQAD) toujours en cours au Pile. En 2015, au moment des premières réunions de concertation, de nombreux habitants, pour la plupart propriétaires, avaient découvert le projet de démolition de leur maison. Le programme comprend en effet des aérations dans le quartier nécessitant la démolition de rangées d’habitations et des acquisitions préalables contre la volonté des propriétaires. Un long bras de fer avait opposé la municipalité et ces habitants regroupés au sein de la Table de quartier. Ce lieu de rencontre était animé par des militants associatifs engagés, la mairie y voyant alors une récupération politique.
La mobilisation des habitants du Pile a été une des plus importantes des dernières années, mais elle n’a pas permis de revenir sur le projet en cours.
Point d’orgue de cette mobilisation : une manifestation sur la Grand-Place de Roubaix. Le programme n’a finalement pas changé de nature et des solutions ont été trouvées pour reloger les habitants. Quelques années plus tard, le PMRQAD reste toutefois contesté, notamment l’utilité des aérations, comme l’a montré une très récente réunion publique sur le sujet.
3 - Le foyer logement de l’Alma
La situation des résidentes du foyer-logement de l’Alma a particulièrement ému en 2021. La résidence gérée par le CCAS était condamnée à la démolition par le programme de rénovation du quartier. Les 39 personnes âgées qui y vivaient n’avaient pas de solution de relogement collectif, contrairement à ce qui leur avait été promis.
La mairie de Roubaix a finalement écouté les résidentes du foyer logement qui souhaitaient être relogées collectivement. Photo Thierry Thorel
La mobilisation a permis cette fois de faire bouger les lignes. En début d’année, le maire de Roubaix Guillaume Delbar (divers droite) avait convenu que cette situation particulière n’était pas satisfaisante. Une solution de relogement collectif pour celles qui le souhaitent a finalement été trouvée dans le quartier.
4 - La rue des Ogiers à l’Épeule
C’est lors d’une réunion publique de concertation que des propriétaires de la rue des Ogiers et des commerçants de la rue l’Épeule ont découvert que leur îlot serait détruit dans le cadre du Nouveau programme de renouvellement urbain. Fin 2019, la mobilisation des propriétaires, soutenue par quelques candidats aux élections municipales de 2020, n’a pas permis de sauver les habitations.
C’est lors d’une réunion publique à l’Épeule que des propriétaires du quartier ont découvert la future démolition de leur maison. Photo archives
Le programme en cours prévoit bien la démolition de cet îlot pour créer une place dans le quartier et l’ouvrir sur le couvent des Clarisses.
5 - Les tours D et E aux Trois-Ponts
Le cas des Trois-Ponts est ici particulier puisque la mobilisation des habitants a permis d’ajouter un projet. Face à l’état déplorable des tours D et E – les seules à être restées debout après le premier programme de l’ANRU concentré sur le quartier –, les locataires avaient manifesté à plusieurs reprises leur colère auprès du bailleur Lille métropole habitat, demandant la démolition des barres pour être relogés ailleurs.
La mobilisation des locataires des tours D et E aux Trois-Ponts a permis de faire bouger les lignes sur le devenir de ces immeubles dans un état déplorable. Photo archives
À l’époque, LMH avait d’abord assuré qu’il n’était pas question de démolition des tours, mais d’une réhabilitation complète. La destruction de ces immeubles a finalement bien été ajoutée au programme de renouvellement urbain et les derniers locataires sont en cours de relogement.
Contre les démolitions à l’Alma, le collectif s’entoure et proposera un autre projet
Fermement opposé aux destructions prévues dans le cadre du NPNRU dans le quartier de l’Alma gare, le collectif d’habitants s’est rapproché d’associations pour se protéger et proposer un contre-projet.
L’APU aidera les locataires à garder un logement décent, l’APPUII elle, construira avec les habitants, un contre-projet.
Le collectif Non à la démolition dans le quartier de l’Alma-gare l’avait dit : il allait s’entourer. Après plusieurs mois de contestations « pacifistes », comme l’irruption au conseil municipal de Roubaix au mois d’octobre ou l’accrochage de banderoles dans le quartier, ceux qui s’opposent au Nouveau programme de renouvellement urbain (qui prévoit la démolition de 480 logements, la réhabilitation de 390 logements, et la construction de 90 logements neufs) comptent désormais davantage se défendre.
Ce dimanche, c’est autour d’un goûter que le collectif a annoncé aux habitants que deux associations allaient désormais les soutenir. « L’une est pour le quotidien, l’autre c’est pour l’avenir », précisait Florian Vertriest, porte-parole. « Aujourd’hui, on est en capacité d’aller à l’encontre de ce projet infâme. »
C’est dans un pôle jeunesse comble, que la réunion a eu lieu ce dimanche.
Il y a d’abord l’Atelier populaire du Vieux-Lille (APU), dont le rôle est d’appuyer des personnes rencontrant des problèmes avec leur bailleur. « On met la pression aux familles qui doivent être relogées mais qui veulent rester à l’Alma », justifiait le porte-parole, encourageant tout de même les personnes qui souhaitent rester dans le quartier à ne pas quitter leur logement. « Une technique que les bailleurs utilisent souvent dans les projets d’ANRU, c’est d’arrêter de travailler dans les logements pour rendre la vie impossible aux locataires, et ainsi les forcer à partir. Nous, on est là pour les rappeler à la loi », commentait Antonio Delfini, le président de l’association, qui mettra donc ses outils à disposition des habitants de l’Alma.
Bientôt un contre-projet
Mais le collectif entend également préparer l’avenir aux côtés d’Alternatives pour des projets urbains ici et à l’international (APPUII), un collectif parisien « d’architectes, urbanistes et militants » qui « accompagne les habitants qui ne se sentent pas écoutés, expliquait le chargé de mission Samiak Shoara. Il est déjà arrivé qu’on fasse stopper des démolitions, parfois on parvient au moins à faire bouger le projet. » Florian Vertriest d’ajouter : « Aujourd’hui, le projet ne nous convient pas et il devrait être à l’image des habitants. » Des ateliers seront donc régulièrement organisés pour réaliser ce contre-projet collectivement, et proposer des alternatives concrètes à la ville.
En août, le collectif Non aux démolitions dans le quartier de l’Alma gare commençait à afficher des banderoles dans le quartier.
Il reste à savoir si elle sera encline à les recevoir. En la personne de Jean Deroi, maire de quartier présent à la réunion, celle-ci a affirmé son soutien quant aux dysfonctionnements dans les logements. Cependant, la ville campe sur ses positions sur les relogements et les démolitions. « On ne souhaite pas revoir le projet sur ces points alors que tout est engagé. Mais sur ce qui vient après, comme les espaces publics, là on est ouvert. »
Deux autres recours ?
Il y a tout juste une semaine, nous annoncions que l’association de sauvegarde du patrimoine Label.le avait déposé un recours gracieux contre les permis de démolir des immeubles gérés par Lille Métropole Habitat. Elle demande la suspension de tous les travaux prévus dans le cadre de ces permis, justifiant que l’ensemble faisait partie intégrante du patrimoine urbain.
Trois recours gracieux auraient été formulés contre les permis de démolir.
Ce dimanche, le collectif d’habitants a indiqué que deux nouveaux recours avaient été déposés auprès de la mairie : de la part d’une vingtaine de locataires ce vendredi 17 février, mais aussi des architectes à l’origine du quartier actuel. Nous n’avons cependant pas encore été en mesure de vérifier cette information.
Un recours gracieux n’a pas d’effet suspensif. Cependant, le collectif espère qu’au nombre de trois recours, ils feront réagir la mairie.
Après l’incendie, la jeunesse a nettoyé
« Ça faisait une semaine que c’était comme ça, alors on s’est motivé et on a tout nettoyé. » Après l’incendie d’un engin de chantier il y a une dizaine de jours s’étant propagé au bâtiment adjacent (supposément en lien avec le programme de rénovation urbaine), des jeunes du quartier de l’Alma se sont tout naturellement mobilisés, ces vendredi et samedi, pour nettoyer les dégâts dans leur quartier.
50 volontaires
Ils étaient une cinquantaine selon eux, à avoir déblayé le verre et les blocs électriques touchés. « On a demandé un karcher et une échelle à des amis, et on a nettoyé la façade qui était noircie. » Les briques ont retrouvé leur couleur et les déchets ont été rassemblés pour que les services de la ville puissent les collecter facilement. Il reste encore à restaurer l’intérieur, dont ils n’ont pu s’occuper. « On espère que LMH fera le nécessaire », disent-ils, pour que la coopérative Manau retrouve ses cuisines.
Les jeunes du quartier ont ramassé les débris sur le trottoir et ont nettoyé un grande partie de la façade.
Le collectif quant à lui, a de nouveau condamné cet acte, préférant prôner des actions pacifiques pour se faire entendre.
Voir la rénovation de l'Alma au tribunal administratif
La Voix du Nord le mercredi 13 septembre 2023
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