Ils ne veulent pas laisser " détruire Roubaix "
Un article publié par Anne-Sophie Hourdeaux le 9 mars 2023 dans Lille-actu
Une mobilisation monte depuis l'annonce de la démolition d'une maison située au n° 24 rue du château à Roubaix. D'autres annonces inquiètent. Le samedi 1er avril 2023, un " Démolition Tour " est organisé.
La maison située au 24 rue du château devrait être démolie pour y construire 169 logements étudiants à Roubaix. (©AS Hourdeaux/Croix du Nord)
C’est quoi, un « Démolition Tour » ?
Samedi 1er avril 2023, des Roubaisiens défenseurs du patrimoine organisent un tour de la ville des futures destructions. Dans leur programme notamment, une maison située au 24 rue du château, bientôt démolie. Une pétition est lancée pour la sauver. On vous explique cette démarche.
Sauver une maison de fabricants du XIXe siècle
Une rencontre était organisée par « Le Cercle roubaisien », groupe qui propose régulièrement des conférences à Roubaix, sur le thème de la défense du patrimoine. 35 personnes y ont participé. Parmi elles, celles qui ont lancé une pétition pour sauver une maison de la destruction, située dans le centre-ville à côté du théâtre Louis Richard, sur un site de plus de 20 000 m2.
Le Cercle roubaisien a organisé une rencontre sur le thème de la défense du patrimoine. (©AS Hourdeaux/Croix du Nord). Voir en cliquant ici d'autres clichés de cette soirée.
Cela pourrait être anecdotique, mais c’est bien plus que cela qui se joue à Roubaix actuellement. La pétition a atteint près de 1 500 signatures.
De quoi s’agit-il ?
Xavier Lepoutre, féru de patrimoine, raconte la particularité de cette maison : « Nous sommes rue du château. Il y a eu un château là vers 1450, construit par Pierre de Roubaix, démoli à la Révolution. En 1840, Watine-Bossut fait bâtir là son négoce de laine, qui durera jusque dans les années 1970. Le bâtiment est racheté par SIARD, le syndicat d’aménagement roubaisien. La façade est repeinte en rose dans les années 1990. En 1993, l’entreprise Thieffry, spécialiste des articles en lin, s’y installe. La maison appartient au patrimoine historique roubaisien ».
Quel est le nouveau projet pour le site ? Une nouvelle résidence étudiante de 169 logements, construite par Vinci Immobilier.
« Crime contre le patrimoine »
Michel David, conseiller municipal dans l’opposition, a présenté les enjeux : « C’est un crime contre le patrimoine textile roubaisien ! C’est notre bien commun, il faut agir. Voilà le mépris du patrimoine au profit d’opérations immobilières peu qualitatives qui défigureront la ville ».
Jean-François Boudaillez connaît bien la situation du patrimoine à Roubaix, il fut adjoint du maire au patrimoine il y a quelques années. Il est l’un des fondateurs de l’association « Roubaix Label.le » devenue il y a peu « Métropole Label.le ». « Le patrimoine du XIXe siècle est répandu dans la métropole lilloise, s’il était bien restauré, cela changerait le visage de ce territoire ! » Mais « à Roubaix, c’est massacre sur massacre ! Il reste peu de bâtiments des années 1840 dans la ville ».
Véronique Lenglet, elle, a carrément démissionné voilà un an de son poste d’adjointe au patrimoine dans l’équipe du maire actuel, Guillaume Delbar. Pourquoi ? A cause de ce qu’elle considère comme le non-respect du patrimoine. « J’avais dit que si le 22-24 rue du château était démoli, je partais… J’ai demandé le rachat par la Ville, je n’ai jamais eu de réponse… »
La « France moche »
Myriam Cau, conseillère municipale d’opposition, est elle aussi vent debout contre les destructions depuis longtemps. Elle estime « que dans la ville, un savoir faire sur le patrimoine s’est perdu, on voit une politique foncière irrationnelle, sans vision d’ensemble ».
Les promoteurs immobiliers s’en réjouissent selon elle : « Avec la raréfaction du foncier, toutes les friches valent de l’or. Et en plus, on détruit des immeubles en bon état pour des bâtiments standardisés ! » Ce que Véronique Lenglet nomme « la France moche, avec des bâtiments tout pourris dans 25 ans ».
Myriam Cau rappelle que Vinci a déjà détruit, rue du 11 Novembre, « la dernière longère flamande de Roubaix, malgré le recours que nous avions engagé et que nous avons perdu ».
A l’heure de la crise écologique, elle estime que les réhabilitations devraient être obligatoires plutôt que les destructions, « véritable gâchis écologique ».
Que faire ?
Que faire, maintenant ? Car les délais de recours sont dépassés. L’espoir est mince de sauver la maison. Parmi les idées émises, la préemption, c’est-à-dire le rachat par la Ville. Cela a déjà été le cas du 30 de la même rue en 2021.
« Il faudrait proposer un projet, un autre avenir pour la maison » lance-t-on dans le public. « Et aussi rédiger un document plus global sur les destructions futures » dit un autre. « On pourrait se rapprocher de Grenoble, qui connaît la même problématique sur ses quartiers » entend-t-on encore. Myriam Cau propose de travailler sur un « recours gracieux ». L’association Urgences Patrimoine est sur le coup et va aider.
Le " Démolition Tour " : c'est quoi ?
Une idée plus concrète fuse : un " Démolition Tour " ! Véronique Lenglet explique : « On pourrait organiser un circuit dans la ville en déposant une gerbe de fleurs sur chaque lieu concerné par les démolitions ».
Il aura lieu samedi 1er avril, avec une déambulation musicale et artistique. Rendez-vous à 10 h 30 devant le 2 rue du Château. Dress code : noir. Banderoles et chants sont prévus, ainsi que des prises de parole évoquant différentes destructions. Puis vers 11 h 30, direction le quartier de l'Alma.
Destructions de courées prévues aussi
Ce n’est pas seulement cette démolition annoncée qui est dénoncée par les habitants. Car de nombreuses destructions, notamment dans le cadre du Plan de requalification urbaine, seront opérées. Par exemple, rue des Ogiers à l’Epeule, des démolitions de courées sont prévues, tout comme la Cité Flipo près de la Condition publique.
« La résorption de l’habitat insalubre » est l’argument avancé, mais pour les défenseurs du patrimoine, il n’est un prétexte.
La défense des habitants est en jeu aussi
La défense du patrimoine n’est pas le seul argument de ceux qui s’opposent à l’esprit démolisseur. C’est la question du respect des habitants qui est aussi en jeu, notamment dans le cadre des quartiers populaires.
Le respect, mais aussi l’injustice. Car les personnes concernées par un déménagement forcé, sans doute hors Roubaix, ne seront pas toutes relogées d’office dans des immeubles de bailleurs sociaux. Elles devront chercher par elles-même, et sans doute trouver dans le secteur privé, avec des loyers beaucoup plus élevés.
La pétition est consultable ici
Samedi 1er avril 2023
rendez-vous à 10 h 30 devant le 24 rue du Château
Dress code : noir !