Face au mur de l’Alma, « le combat ne s’arrêtera pas »
Un article de Florence Moreau paru dans l'édition de Roubaix de la Voix du Nord du jeudi 30 novembre 2023.
« Les drones, les CRS, ce mur : tout ça rallie à notre cause des gens qui n’étaient pas avec nous à la base », estime Florian Vertriest. Photos Thierry Thorel
Il ne vit pas dans un des bâtiments voués à la démolition. Mais c’est sa voix qui porte le combat du collectif anti-démolitions, à l’Alma. Comment Florian Vertriest, enfant du quartier, a-t-il réussi à occuper le terrain ?
Il a grandi là où se dresse, depuis une semaine, un mur de béton de 2,50 m. Ce mur qui matérialise la réponse brutale de l’État aux habitants de l’Alma voulant sauver 489 logements d’une démolition programmée. À 30 ans, Florian Vertriest est devenu leur porte-parole « naturellement, au fur et à mesure », retrace-t-il. Au début réticent face aux médias, le médiateur sportif est aujourd’hui cité dans Le Monde, Libération, l’AFP, Politis. De quoi asseoir sa légitimité dans le combat qu’il mène « pour préserver notre patrimoine » et dont il connaît l’historique sur le bout des doigts.
« C’est le mépris qui m’a fait réagir. » Florian Vertriest
D’un naturel discret, le père de trois enfants s’est révélé via cette cause qu’il porte depuis un an et demi. « C’est le mépris qui m’a fait réagir, le fait de voir qu’on voulait changer nos vies et raser notre histoire sans même nous consulter. Ça ne pouvait pas passer. »
Nullement intimidé, il a mis « le pied dans la porte », résume-t-il, confrontant des élus, consultant des techniciens, s’entourant de compétences, se créant progressivement un réseau solide et une détermination à toute épreuve. « Au début, on parlait beaucoup avec émotion, admet-il. Mais quand vous faites venir progressivement plus de 300 professionnels européens (architectes, urbanistes, paysagistes…) et que tous vous donnent raison, ça donne une force incroyable. » Assez pour ne pas céder aux pressions et intimidations qu’il confie subir. Assez pour nourrir des ambitions politiques comme le flairent certains ? « Pas du tout ! , réfute-t-il. Je ne roule pour aucun parti. J’ai une conscience politique, mais je suis apolitique. »
Appel au dialogue
S’il ne nie pas les problématiques du quartier, Florian Vertriest refuse de croire que raser les bâtiments les régleront et prend à témoin les précédentes démolitions aux Trois-Ponts « qui n’ont rien résolu ». Il dénonce « un gâchis » et une opération « de gentrification » qu’il veut contrer « dans le dialogue » en s’appuyant sur des réhabilitations.
« On attend quoi de nous ? On reproche aux gens de quartier de ne pas s’intéresser à leur lieu de vie, de ne pas prendre la parole, de ne pas voter… Là, on prend les sujets en main, on est force de proposition, on monte un contre-projet. On ne peut pas faire plus pour créer le dialogue ! » La démarche tranche en effet avec les autres territoires objets de rénovation urbaine. Et sur place, le climat se tend avec l’usage de drones de surveillance et maintenant d’un mur traduisant « une escalade » qui lui fait craindre un drame.
Florian Vertiest n’est-il qu’un utopiste ? Le collectif peut-il vraiment retourner la table ? La récente lettre du préfet à l’adresse de la MEL le conforte dans cet espoir. Alors il n’en démord pas. « Tant que les bâtiments sont encore debout, on ne lâchera pas. Et même si demain ils venaient à en démolir un, on se battra pour les autres. Le combat ne s’arrêtera pas » pour sauver l’Alma de la démolition.