La Fraternité, premier hôpital moderne bâti grâce à la générosité publique
Un article dans la série d’té de la Voix du Nord, édition de Roubaix, le mercredi 26 juillet 2023, par Marc Grosclaude.
De la Fraternité originelle, il ne reste plus que quelques bâtiments, dont celui de l’entrée qui porte les noms des plus importants souscripteurs.
La Fraternité a été pensé comme un hôpital moderne, organisé pour réduire la transmission des maladies infectieuses.
Les derniers pavillons de l’ancien hôpital ont été détruits pour laisser la place à un nouveau bâtiment, le grand projet psychiatrique de la Fraternité.
Elle tient une place centrale dans l’histoire hospitalière à Roubaix, et aussi dans celle des Roubaisiens qui ont contribué à la faire naître. Nouveau volet de notre série, la Fraternité, qui fut avant Victor-Provo le premier hôpital moderne de la ville.
C’est une photo en noir et blanc. Elle date de 2003 et dans le fracas des briques que l’on imagine tomber, une pelleteuse met à terre les derniers pavillons de la Fraternité. Un an plus tôt, le directeur de l’hôpital et le préfet inauguraient la Nouvelle Fraternité, marquant symboliquement un tournant dans l’histoire sanitaire à Roubaix.
Les premiers malades arrivent en 1906 et au fil des années, le site se construit, s’agrandit, se dote de nouvelles spécialités…
Car pendant trois quarts de siècle, la Fraternité avait été l’illustration même de l’hôpital moderne tel qu’on le considérait en 1907, année de son inauguration. Avec sa vingtaine de pavillons, reliés entre eux par un réseau de galeries souterraines, il répondait à la préoccupation de l’époque : combattre les épidémies. Or, la loi de 1893 sur l’assistance médicale gratuite rattachait les communes environnantes à Roubaix, ce qui impliquait de pouvoir soigner pas moins de 190 000 personnes. Il fallait à la ville un « deuxième hôpital », moderne. Il y avait bien l’Hôtel-Dieu, dans le secteur de Blanchemaille, mais « il lui est reproché d’être construit suivant un plan maintenant condamné par les hygiénistes et qui ne favorise pas la diffusion de l’air et de la chaleur solaire et de la lumière. »
Hygiène avant tout !
C’est dès 1898 que le projet d’hôpital prend corps, avec les plans de l’architecte municipal Théophile Coliez qui conçoit un ensemble de 21 pavillons dont 14 pour les malades et 7 pour les services généraux. « Six pavillons seront affectés aux services de médecine et de chirurgie. Les quatre pavillons prévus pour les maladies contagieuses seront construits à droite de l’entrée principale, de façon à ce que les malades de cette catégorie ne pénètrent pas dans les locaux habités par les malades ordinaires. »
L’emplacement est assez vite choisi : ce sera au lieu-dit des Trois-Ponts. Mais comment financer la construction d’un hôpital aussi ambitieux ? Imaginez un peu : 3,3 millions de francs à l’époque (le coût estimé alors), cela équivaut à 1,4 milliard d’euros de nos jours ! Bien plus que ce que l’emprunt pourrait dégager comme fonds.
Des souscripteurs
Dès 1894, des financements particuliers avaient été envisagés : on évoquait une ponction sur les recettes des courses de chevaux, une surtaxe sur le vin et les alcools. Finalement, au début des années 1900, avec un projet qui a un peu évolué (et s’étend sur une surface désormais plus importante), c’est l’appel à la générosité publique, via une souscription, qui doit permettre de boucler le budget auquel doivent contribuer les collectivités et l’État.
Voilà pourquoi cet hôpital, construit via le concours de la population, s’appelle, selon la volonté du maire Eugène Motte, la Fraternité. Pour marquer la pose de la première pierre en juin 1903, et récolter de l’argent, la ville organise une grande cavalcade ; elle attire plus de 100 000 personnes étrangères à Roubaix.
Victor-Provo prend la suite
Les premiers malades arrivent en 1906 et au fil des années, le site se construit, s’agrandit, se dote de nouvelles spécialités, de la maternité à la gastro-entérologie en passant par la réanimation respiratoire… En 1970, c’est le service d’urgence qui est inauguré… Mais la Fraternité accuse le poids des ans, et l’organisation en pavillons finit par ne plus être optimale, loin de là.
Si des services comme ce que l’on appellera plus tard l’addictologie s’installent, si on construit sur le site une résidence pour personnes âgées, la Fraternité n’est plus le centre de l’activité de soins à Roubaix. Il faut dire que, dès les années 50, on pense édifier ce qui deviendra Victor-Provo.
Le site se modernise toutefois, reconstruit sa blanchisserie, sa cuisine centrale, accueille la psychiatrie. Mais de la Fraternité originelle, il ne demeure guère plus que la chapelle et le bâtiment d’entrée. Qui porte encore, gravés sur sa façade, les noms des plus généreux contributeurs à sa construction.