Patrimoine : la courée Dubar-Dekien, souvenir du passé ouvrier de Roubaix
Un article de Fabian Castillo Rodriguez dans la Voix du Nord le 31 juillet 2019
Les monuments historiques parsèment nos communes et rappellent leur histoire. Certains sont très connus ; d’autres passent presque inaperçus. Aujourd’hui, découvrons la courée Dubar-Dekien, inscrite au titre de monument historique depuis le 12 août 1998.
Pourquoi la courée Dubar-Dekien porte-t-elle deux noms ? Pour la simple et bonne raison qu’à l’origine, il y avait deux courées séparées par un mur qui fut abattu dans les années 30. Construites entre 1840 et 1890 – en plein essor industriel roubaisien – elles portent le nom de leurs premiers propriétaires. Aujourd’hui unifiée, la courée est composée de deux rangées de maisons se faisant face autour d’une cour centrale, au milieu de laquelle se trouvent plusieurs baraquements où l’on avait à l’époque un point d’eau et des toilettes communs. Il y a deux étapes de construction : des maisons à l’otil – petites maisons basses où était installé l’otil (le métier à tisser) – datant des années 1840, et des maisons à deux niveaux construites aux alentours des années 1890.
« Ces lieux où le temps se passait majoritairement dans la cour, favorisaient nettement les rapprochements et la vie en communauté »
Les courées étaient un moyen rentable pour loger la main-d’œuvre locale et étrangère dans un espace restreint et proche de l’usine. Ainsi, il y a eu jusqu’à 1 500 courées construites, logeant un quart de la population roubaisienne. D’un point de vue humain, ces lieux où le temps se passait majoritairement dans la cour, favorisaient nettement les rapprochements et la vie en communauté. Malheureusement, il ne reste que très peu de témoignages de ce type d’habitat, et la courée Dubar-Dekien en fait partie.
Inoccupée pendant plus trente ans
À partir du début des années 1990, les derniers habitants quittent la courée qui restera inoccupée pendant plus de trente ans. Bien qu’elle soit inscrite au titre de monument historique en 1998, elle est progressivement laissée à l’abandon. Des visites et expositions sont organisées dans les années 2000 mais elles finissent par être stoppées à cause de la dégradation des maisons qui rend l’endroit dangereux. À Lille métropole (LMCU, devenue Métropole européenne de Lille), l’ancien propriétaire, on a un temps pensé à transformer la courée en village d’artisans mais le projet ne voit jamais le jour.
Finalement, la communauté urbaine décide de se débarrasser de la courée et la vend à un promoteur privé lillois, Mohamed Rouar, en 2010 pour un total de 100 000 euros. Celui-ci prévoit un projet de réhabilitation, mais les travaux ne commencent que quatre ans plus tard pour enfin s’achever en 2016.
Depuis, la courée est principalement habitée par des étudiants. Les baraquements sont devenus des débarras et la ruelle – signe emblématique des courées – du côté de la rue Jean-Moulin est fermée, l’entrée se faisant uniquement rue Chanzy. Des visites sont toujours organisées par l’office de tourisme de Roubaix mais elles se font plus rares maintenant que le lieu est occupé.
« Ici, c’est la cour des chats »
Marie, originaire de Reims et étudiante à INFOCOM à Roubaix, vit dans la courée depuis presque un an. « Ici, c’est la cour des chats, nous dit-elle. Presque chaque habitation en a un. Il y en a même qui sont nés dans la courée. On voit aux chats s’il y a des habitants qui arrivent ou qui partent. »
Même si on est loin de l’ambiance des courées d’antan, Marie connaît et côtoie ses voisins. « On se connaît plutôt bien. Chacun a sa petite vie mais on se croise, on se parle, on met de la musique et des fois on fait des petits apéros ou des barbecues. » Majoritairement composée d’étudiants, la population change régulièrement et les relations de voisinage sont donc de courte durée. On trouve quand même deux familles dans le fond de la courée, dont les enfants font parfois de la cour leur terrain de jeu, comme c’était le cas à l’époque du textile.