Lettre ouverte

LETTRE OUVERTE AUX CITOYENS DE ROUBAIX ET DE LA MÉTROPOLE… EN L’ABSENCE DE POSSIBILITÉ DE DIALOGUE AVEC LA MUNICIPALITÉ

EPEULE : D'UNE RUE DENSE ET VIVANTE… A UN SQUELETTE DÉSERTIFIÉ ?

Sans grand passé monumental (seul le clocher de Saint Martin remonte au XVIème siècle), la ville de Roubaix offre un intérêt patrimonial quasi unique en France : une ville champignon du XIXème siècle née de et par l'industrie et aujourd'hui préservée pour l'essentiel. Son tissu urbain - fait de courées, de rangs de maisons ouvrières ou d'employés (les « choques »), d'hôtel bourgeois ou de maîtres - renferme encore nombre de monuments industriels, religieux ou civils, certains exceptionnels et la plupart remarquables.

L'Epeule, le quartier et sa rue éponyme, est bien représentatif de la ville : courées, maisons joliment décorées (rue des Ogiers), couvent des Clarisses lové dans ce tissu, commerces encore actifs, anciens locaux industriels remarquablement réutilisés : teinturerie Roussel - Desrousseaux, d'un côté de la rue, tissage Roussel à l'autre bout, à l'angle de la rue des Arts.

Ce tissu urbain, beaucoup l'ont connu bien plus dense. En cette fin XXème et début XXIème, nombre de démolitions sont intervenues, donnant ainsi naissance dans un premier temps à l'agrandissement du Colisée et à la construction de Thalassa, puis, plus récemment, au parc du Brondeloire, à la place Vandermeiren, au parking de l'actuel Triangle.

Aujourd'hui, on nous annonce une volonté de « requalifier » la rue de l'Epeule dans le cadre du « nouveau programme de rénovation urbaine » (NPRU). Dans cette optique, nombre d'actions envisagées apparaissent très contestables, et même franchement aberrantes !  Elles montrent en tous cas une totale incompréhension des spécificités de la ville de Roubaix, de son « génie propre » :

CINQ BELLES COURÉES SONT DESTINÉES A DISPARAÎTRE (Les cours Blasin, Heuls, Lepers, Govaere et Sénéchal)

Ces courées ne sont absolument pas insalubres. Elles ont bénéficié il y a quelques années d'importants travaux de restauration du bâti et la MEL a financé à grands frais les travaux d'assainissement et de réseaux.

Elles vivent bien, et leurs occupants n'ont aucune envie de les quitter !

Un récent article de la Voix du Nord (5/3.2023 Claire Lefebvre) attirait l'attention sur cette forme d'habitat, « stigmate identitaire des anciennes métropoles textiles nord » selon l'historien Philippe Guignet. Et la journaliste de conclure: « paradoxalement , la promiscuité fait désormais du charme; elles accueillent artistes et étudiants » 

Ailleurs dans la ville, entre les rues Chanzy et Jean Moulin, la belle restauration des cours Dubar et Dekien (seules courées reprises ISMH dans la métropole) témoigne parfaitement de l'intérêt de ce type d'habitat. On ajoutera encore que l'indemnité d'expropriation prévue pour chacune des maisonnettes (on parle de 50 000 €) ne permettra pas aux occupants l'achat d'un nouveau logement

DETRUIRE CES COUREES EST UNE GRAVE ATTEINTE A L'IDENTITE DE LA VILLE ET NE REPOND A AUCUNE NECESSITE SANITAIRE URBANISTIQUE OU SOCIALE !

LA RUE DES OGIERS EST PROMISE A L'ANÉANTISSEMENT

Une artère modeste mais passante menant de la rue de l'Epeule au couvent des Clarisses, bordée d'un rang de maisons semblables aux façades intéressantes, (mêmes si des travaux de restauration sont nécessaires).

L'intérêt invoqué de leur démolition ? Dégager la vue sur le couvent des Clarisses, accompagner la formation d'une nouvelle place comprenant le magasin Triangle et son actuel parking.

Quelle aberration, alors que : 

Le couvent des Clarisses est par essence un édifice humble, modestement - et c’est délibéré ! - intégré au sein d'un quartier ouvrier ; il n'a pas été conçu pour être dégagé !

Son « dégagement » offrirait surtout la vue sur un mur d'enceinte austère (fonds de jardins), qu'il ne saurait être question de démolir puisque lui aussi repris à l'inventaire des monuments historiques (la démolition de ce mur ne serait d'ailleurs qu'une aberration supplémentaire s’agissant d’un monastère de religieuses cloitrées!)

La priorité est à la restauration et à la réutilisation définitive de ce très remarquable bâtiment, l’un des joyaux de la ville, ce de quoi la municipalité semble totalement se désintéresser.

« DEGAGER » LE MONASTERE DES CLARISSES EST UNE ABSURDITE ET UN ANACHRONISME QUI DEMONTRENT L'INCOMPETENCE ET L'INCULTURE DES AUTEURS DU PROJET

DES DÉMOLITIONS ABSURDES SONT PRÉVUES DANS LA DIFFUS

Il en est ainsi des 110 et 112 rue de L'Epeule... les plus belles façades du secteur !

Le plus grand des deux immeubles est une ancienne brasserie, qui a semble-t-il gardé sa touraille en prolongement. A l'heure où les micro brasseries deviennent légion cela devrait pourtant donner des idées, même aux moins créatifs !

Dans un article de la Voix du Nord (7 mars 2023 Charles Olivier Bourgeot), Monsieur Delbeke, adjoint au maire en charge des quartiers ouest, précise que les façades pourraient éventuellement être conservées. Voilà le retour de cette maladie : le « façadisme » qui a fait tant de dégâts déjà dans notre métropole, mais c'était pour l’essentiel il y a plus de quarante ans ! Les décideurs de cette ville auraient-ils un demi-siècle de retard ?

Ces immeubles comptent parmi les plus intéressants de la ville, et notamment dans un quartier ouvrier. Leur démolition serait un crime (encore !) contre le patrimoine.

Et, d'ailleurs, dans quel but les démolir ? Nulle raison censée n’est avancée !

Droguerie Debril, et autres : des commerces uniques et en bonne santé !  Y en-t-il tant dans Roubaix ? 

Leur suppression permettrait nous dit-on le dégagement de l’ancien tissage Roussel. Mais en quoi ce remarquable témoin du patrimoine industriel a-t-il besoin d'être « dégagé » ? Conçu dès l’origine au sein du tissu urbain, il a depuis toujours un accès – d’ailleurs bien plus pratique - par la rue des Arts !

TRANSFORMER LA RUE DE L'EPEULE EN « GRUYERE » C'EST NE RIEN COMPRENDRE A CE QU'EST UNE RUE COMMERCANTE !

EN CONCLUSION

La rue de l'Epeule et ses alentours ne requièrent aucune destruction faite en vue d'une «dédensification »  du quartier. Les démolitions effectuées précédemment ont largement fait « respirer » le quartier. Celles envisagées aujourd'hui sont non seulement inutiles, mais lui feraient perdre son identité, entrainant un effet de « mitage » totalement délétère.

A ce propos, on permettra à Metropole Label.le de retranscrire un paragraphe d'un opuscule édité par la ville de Roubaix « Grands travaux 1980-2010 », un ouvrage toujours distribué par la service Ville d'Art et d'Histoire :

« Une qualité architecturale préservéeLe dispositif de la Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) en vigueur depuis 2001 permet d'assurer la protection du patrimoine urbain et la mise en valeur des quartiers et des sites, depuis on ne démolit plus à Roubaix » ( sic...) ».

CHERCHEZ L'ERREUR !

Enfin, on doit s'interroger sur le coût de ces démolitions : ne s’agit-il pas là d’un gâchis énorme d'argent public ?

Rénovation à grand frais de courées pour les raser à peine quelques années plus tard !

Et coût des acquisitions immobilières sur des immeubles pour la plupart occupés et en bon état (en vue de démolition donc de destruction de valeur !)Si les propriétaires d'immeubles ne semblent pas devoir être indemnisés outre mesure, il n'en est pas de même pour les titulaires de baux commerciaux - véritable aubaine sans doute pour certains d’entre eux du moins !

Coût financier, certes. 

Mais aussi, coût social et écologique de ces destructions.

Il n'entre pas dans l'objet de Métropole Label.le de considérer en détail le coût social.  Mais, on ne peut s'empêcher de le considérer dramatique.

Mais en 2023, peut-on encore raisonnablement accepter le coût énergétique et environnemental d'un tel programme ? 

QUEL PARADOXE DANS UNE VILLE QUI COMMUNIQUE TANT SUR LE ZÉRO DÉCHETS !

QUELLE COHÉRENCE ENTRE LES DIFFERENTES POLITIQUES PORTÉES PAR LA MUNICIPALITÉ ?

ON EST FORCÉ DE CONSTATER ICI QU’IL NE S’AGIT PAS SEULEMENT DU SACAGE DU PATRIMOINE MAIS AUSSI DE L’ABSENCE DE VISION URBAINE, DE L’INDIFFERENCE FACE À LA DIMENTION HUMAINE, DE LA CABEGIE D’ARGENT PUBLIC ET D’UN BILAN CARBONE DESASTREUX !

PITIÉ POUR LA VILLE !