Pourquoi la ville veut-elle démolir les courées de l’Épeule ?

Un article paru dans La Voix du Nord, édition de Roubaix, par Charles Olivier Bourgeot, le mercredi 12 juillet 2023.


La courée Lepers, en bon état, donne sur le site Roussel. Les opposants regrettent que la municipalité veuille la démolir pour faire un passage. La ville donne aujourd’hui une autre version du projet. Photo Thierry Thorel.

 

La ville de Roubaix veut démolir les courées historiques de l’Épeule dans le cadre du programme de renouvellement urbain. Alors que le projet est très contesté, la mairie assure aujourd’hui que ce choix n’est pas lié au site Roussel.     

    

Les opposants à la démolition de courées historiques de Roubaix regrettent ce choix de la municipalité. La perspective de raser les courées de l’Épeule avait été rapidement évoquée lors des réunions publiques de concertation, mais le projet est plus précis depuis la présentation récente du périmètre d’intervention.


La démolition des courées répond, avant tout, à une question d’habitat ancien dégradé. 


Pourquoi les démolir ? Comme d’autres défenseurs du patrimoine, l’ancienne élue de la majorité, Véronique Lenglet, assure que la volonté est de créer un passage vers le site Roussel pour lequel la ville nourrit de grandes ambitions. La municipalité expliquait d’ailleurs en février 2022 qu’une réflexion était menée pour une ouverture du site sur la rue de l’Épeule.


Interrogée il y a quelques jours sur ce projet, la ville livre une autre version et nous a répondu par écrit. « Si les deux opérations participent d’un même objectif : mieux vivre à l’Épeule et à Roubaix, il n’existe pas de lien direct entre le choix de démolir les courées de la rue de l’Épeule et un éventuel projet de développement du site Roussel », précise la mairie.


« La démolition des courées répond, avant tout, à une question d’habitat ancien dégradé », poursuit-elle. « Elle doit permettre de résoudre des situations individuelles de logement très préoccupantes, voire dangereuses, et de requalifier la rue de l’Épeule. » « Le site Roussel, de son côté, lieu totem du textile et de la mode et qui connaît depuis ces dernières années un bel essor, est un projet clé du NPNRU pour le quartier de l’Épeule », explique par ailleurs la ville.

 

Un passage tout de même ?

 

Voilà donc la raison officielle. Elle n’est visiblement pas très claire au sein même de la majorité municipale. Récemment interrogé à ce propos, un élu, qui suit de près le dossier, nous expliquait en effet que la démolition des courées Lepers, Blasin et Heuls était bien liée à leur proximité du site Roussel (le mur du fond des cours est voisin du parking). « L’idée, c’est de faire un passage entre la rue de l’Épeule et le site Roussel au niveau du parking. Il y aurait une passerelle et une grande allée piétonne depuis la rue. » Il ne serait en revanche pas question d’y faire passer des camions.




Une première maison murée dans la cour Lepers vouée à la démolition 



Une première maison murée dans la courée Lepers vouée à la démolition dans le cadre du programme de rénovation urbaine.

 

Le Nouveau programme de renouvellement urbain, qui concerne à Roubaix quatre quartiers, est contesté sur le volet logement, en particulier par les défenseurs du patrimoine. À l’Épeule, la disparition programmée de cinq courées de la rue de l’Épeule est pointée du doigt parce que ce type d’habitat fait partie de l’histoire de la ville. Ce choix a été en partie découvert en début d’année par un document montrant le périmètre d’intervention du programme aux commerçants concernés.


Les opposants à ce projet ont organisé récemment un Démolition Tour, comprendre une déambulation entre les différents sites du quartier voués à la démolition. Particulièrement incomprise, la volonté de démolir la cour Lepers, en très bon état et rénovée il y a une quinzaine d’années. Plusieurs habitants, propriétaires, se mobilisent contre cette décision. Comme un symbole, une première maison vient d’y être murée, comme d’autres l’avaient été dans d’autres courées.


Dans ce genre de projet, la phase d’acquisition est longue et les maisons sont fermées les unes après les autres en attendant la démolition totale. Le quartier du Pile, en cours de requalification, en est une illustration. Les îlots sont détruits quand toutes les habitations sont murées, ce qui peut parfois prendre de nombreuses années.